Victoria le 20 Novembre 1861
repondu 10 Jan 1862
[A. S. - Heimker aus Europa]
Mon Père bienaimé
Me voici enfin de retour à mon foyer domestique
depuis de 2 du mois courant. Mon entrée s’est effectuée avec toute la solemnité
& l’allégresse possibles ; ma femme seulement n’a pu réprimer un débordement
d’amour maternel & m’a reçu les larmes aux yeux avec le cri "mes
enfans !" [A. S. - Er hatte sie nach Europa zur Erziehung
gebracht]
Maintenant tout a repris son train ordinaire,
le besogne ne me manque pas, &, si ce n’était le vide occasioné par l’absence
de mes trois enfans, tout mon voyage en Europe m’apparaîtrait comme un songe.
Toutefois je dois avouer que je m’en ressens encore, grâce au mal du pays qui m’attriste.
La vie d’Europe est si belle, si attrayante, que mon état d’anachorête me pèse.
Autrefois je n’aurais pas échangé ma
position contre le sort le plus brillant en Europe ; maintenant mon
oppinion est bien changée. Enfin espérons que ce moment de découragement causé
par le Heimweh sera passager & que, bientôt je me
vouerai de nouveau à mes occupations avec le contentement d’une vocation
choisie & non plus avec la simple résignation d’un devoir implacable à
accomplir. – Grace à l’activité sensée de ma femme j’ai tout trouvé en parfait
état &, ce qui est le principal, les nègres contens & gais. Elle a plus
de tact & savoir faire pour gouverner ces gens-là, que je n’en ai moi-même.
La seule mauvaise nouvelle a été celle de la récolte
de café complètement manquée, ce qui n’est la faute de personne, mais une
conséquence naturelle de la sècheresse horrible de l’an passé. Heureusement que
les perspectives pour la prochaine récolte son telles, que je crains ne pas
avoir les forces nécessaires pour la rentrer. J’espère faire pour près de
100.000 francs entre café & cacao, à moins que quelque fleau, semblable à
la sécheresse de l’année passée, ne vienne de nouveau anéantir les esperances
les mieux fondées. Enfin, Dieu sait ce qu’il fait !
Tu as, sans doute déjà reçu ma dernière, datée
de Bahia 29 Octobre, & qui T’anonçait mon arrivée dans cette ville. Si nous
avions ici les facilités de communications d’Europe, j’aurais pu T’écrire par
Steamer de Southampton du 12 ; mais ici on ne va pas si vîte.
Lors de mon passage à Colombier j’ai réglé avec
Mr. Barrelet le compte des dépenses de mes enfans, restant lui devoir un solde
de 200 francs. Jusqu’au 1er Janvier le montant de leurs frais de pension
sera de 750 francs. Je Te prie de bien vouloir remettre à Mr. Barrelet cette
somme ou en entier ou en partie, selon que je sois plus ou moins crédité dans
notre compte courant ; en Te remerciant par anticipation de cette faveur,
ainsi que de toutes celles à venir.
La présente
devant Te parvenir de derniers jours de cette année, je profite de l’occasion
pour Te souhaiter une bonne & heureuse année, ainsi qu’à Maman, Elise,
Thérese, Charles & tous les oncles, tantes, cousins & cousines,
auxquels je me recommande en même temps : Puissions-nous dans 3 – 4 ans
nous revoir tous, ainsi que je l’espère.
Ma femme Vous prie tous d’agréer l’expression
de ses sentimens affectueux & respectueux. Adieu ! Je Vous embrasse
tous avec une tendre amitié.
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