Freitag, 12. August 2016

??/??/1857 (Vater)

[A.    S. – 1857 Nach dem Kauf der Pflanzung]


[…] temps, que je ne T’ai écrit, malgré Tes deux lettres si affectueuses, malgré mon devoir comme fils de Te tenir au courant de ce qui me touche & de Te donner de temps en temps mi signe de vie, d’estime & de respet, malgré enfin toutes les règles de civilité & de procédés épistolaires. De sorte qu’il pourrait arriver, que ma lettre fût /mal interprété (…) affection/ y sont pour beaucoup & que c’est cette dernière presque exclusivement qui l’a dictée. – Hélas je commence à me sentir presque étranger à ma famille ce n’est qu’en évoquant les réminiscences de mon enfance, que je puis encore me figurer Ton extérieur, Ta voix ainsi que celles de ma Mère, de mon Frère & de mes Sœurs ; cette pensée m’émeut & m’humecte les paupières, car quoique j’ai toujours apprécié & chéri la vie de famille, ce n’est que maintenant après 9 ans de séparation de tout ce que j’ai de plus cher au monde que je puis en apprécier la juste valeur & que la séparation des Miens me met dans un vîde complet dans ce monde, (…) dans lequel je suis abîmé je travaillerai je tâcherai : Dieu me fera réussir ou échouer ; je suis prêt à subir ma destinée. (…)

Je crois oser affirmer, que, si d’un côté je n’ai point à me plaindre de mon sort d’un autre côté il m’est permis de ne pas le trouver des plus bénignes ; il est si triste d’être seul, quoique entouré d’individus ; être, à mon âge, privé de tout appui, de tout conseil rationel & desinteressé de tout encouragement & stimulant moral ; soutenir une lutte continuelle à l’extérieur à la plantation & contre mes propres penchans ; puiser toute la force, toute la résignation, toutes les connaissances nécessaires dans sa propre énergie & moral, sans jamais rencontrer une main secourable pour soutien quand on fléchit & qu’on bronche – est une tâche qui n’est pas audessus des forces humaines, mais est une tâche rude & fatigante, qui exige une force de volonté, une abnégation de soi-même & une patience que je ne possède pas encore on degré voulu. Peut-être le bon exemple & le sang que je Te dois me perfectionneront – ils au jour.  

Je Te demande pardon si je ne réponds pas d’une manière précise & circonstanciée à Tes lettres ; je crains devenir trop prolixe & (…) à Mr. May, qui à payer 18 francs de port pour ma dernière lettre ; (…) ces deux dernières années je lui ai écrit 10 lettres dont une de 22 pages, d’autres à 18, 14 & le reste à l’avenant.

Tu fais l’observation que je ne sais pas encore décidé quel culture serait ici la plus avantageuse du café, du cacao ou du sucre, Tu remarques, & avec raison que je vascille dans mon oppinion, penchant tantôt d’un côté tantôt d’un autre. Or comme il me tient à cœur de Te montrer que, malgré ma légerté habituelle, je n’ai pourtant pas tout à fait perdu mon temps, & que outre cela l’exposé que je vais Te faire Te donnera en même temps un juste apperçu de l’état dans lequel j’ai mis la plantation Victoria & dans lequel je comte la mettre si j’y reste, je m’entendrai peut être un peu trop sur cette matière. – Dabord, point de départ ; l’agriculture brésilienne n’est que de l’empyric ; le cultivateur rationel tâtonne & essaie ; le cultivateur irationel (cad. Le Bresilien) maintien son status quo. Ni le Brésilien, ni l'Éuropéen font des expériences pour tirer leur conséquences & rechercher les causes & les effets pour ensuite, au moyen de la logique réunir le tout en un système : le premier ne le fait pas par ignorance & indolence, le second parce qu’il est trop pressé de faire valoir ses capitaux afin d’arranger son magot & se retirer dans sa patrie. La théorie étant fille de la pratique & celle-ci étant une mère stérile dans ce magnifique pays le cultivateur ne peut avoir recours, comme en Europe, au savoir da'autrai par le moyen de livres, fréquentation d’écoles agricoles ect. Cèci posé j’entre en matière.

Si j’ai énoncé l’oppinion que la culture de la canne à sucre serait la plus avantageuse, thèse générale, je crois avoir raison, car il n’est aucun doute que nos latitudes de 10 à 20 degrés sont les plus propres pour sa prosperité, à telle enseigne que, pour favoriser cette culture les établissemens sucrier de la province de Bahia & avoisinantes jouissent de privilèges analogues à ceux des anciennes seigneuries féodales, auxquels privilèges les autres établissemens, quelques considérables qu’ils soient, n’ont aucun droit. Cépendant les sucres ayant depuis plus de trois ans souffert une baisse constante & les cafés ayant haussé de prix considérablement il en résulte que cet avantage de prix non seulement compence mais exède même la valeur qui pourrait être produite par le desavantage du clima pour le café. La proportion des prix étant autrefois du sucre au café comme 2 ½ : 3 s’est changé maintenant en 2 : 4. Outre cela la plantation Victoria étant établie sur de vastes bases, avec profusion de tout le coûteux matérial necessaire à la préparation du café, les esclaves étant habitués & experts dans ce service & un changement complet d’une exploitation de café en une sucrière exigeant des frais considerables, je serais aujourd’hui le premier à m’opposer & à desapprouver un semblable changement. Le café & le tabac (qui n’est guère avantageux que pour le petit cultivateur) sont aujourd’hui les denrées d’exportation de nos ports les plus lucratifs & plus recherchés. Le Cacao, pour lequel je me sentais autrefois une aversion assez puérile du reste, parce que jusqu’àprésent il n’a été l’objet des soins que des plus pauvres cultivateurs, & que je serai peutêtre le premier qui le cultivera sur une grande échelle, n’est pas ma plante favorite, je la considère comme un mal nécessaire pour le planteur de café, mais comme j’aime au bien faire ou ne rien faire, cette fève a été ces derniers temps l’objet de ma sollicitude toute particulière, de sorte que grâce à d’inombrables essais, à des soins & des observations minutieuses, je suis parvenu en perfectioner la qualité au point à en obtenir constantement 20 – 25% plus que tous les autres cacaos sur la place de Bahia & notre correspondent me promet sous peu des prix encore plus avantageux au cas que je continue à m’appliquer au perfectionement de cette fève, ce que je compte bien faire & au cas que j’expédie des quantités plus considerables, ce qui pourre donner une impulsion favorable au négoce de cacao, assez négligé & insignifiant jusquaprésent. Moyenant le système que je me propose de suivre à légard de la culture simultanée du café & du cacao, système, qui a été honoré du suffrage complet de Mr. May, les récoltes de cacao à Victoria vont malheureusement aller en augmentant jusqu’à linfini ; je dis malheureusement parce que, mes forces étant limitées & ne pouvant être augmentées d’aucune façon, il en résulte que le développement de la culture du cacao se fera aux dépens de celle du café, de sorte que, la valeur du café étant àpeuprès du double de celle du cacao, il résultera nécessairement une diminution des revenus de la plantation. Mais comme entre deux maux il faut toujours choisir le moindre je me resigne de bonne grace à planter du cacao, en procédant de la manière suivante :

Le cafier, qui, dans les provinces de Rio Janeiro, S. Paulo, Rio grande, rest en plein rapport pendant 20 – 25 ans ne vit chez nous guère plus de la moitié & terme moyen on ne peut compter sur son plein rapport que pendant 6 ans, savoir de sa 3ème année jusqu’à sa 8ème. La dixième, rarement sa douzième année révolue il sèche & dépérit & ce qui était une caféière devient ce que nous appelons ici une Capoeira c. a. d. une bruière inextricable formée par d’inombrables plantes parasites, arbustes, chardons ect, dont les semences emportées par le vent & les oiseaux dans les cafeières voisines y causent du préjdice en propagent leur espèce jusqu’à menacer les cafiers ; - qui pululent de toute sorte de vermine, d’imondices & d’animaux plus ou moins dangereux ou pernicieux, dont le pire est la fourmi ce fléau du cultivateur brésilien, qui ravage des plantations entières, ne respectant aucune plante, excepté la canne à sucre, qui habite des souterrains & des édifises de dimensions monstrueuses & auxquelles il faut, bon gré mal gré céder la place qu’elles se sont appropriée, vu l’impossibilité de les extirper systematiquement dans leurs repaires situés quelquefois à 25 pieds sous terre sur une étendu de plusieurs 100 pieds en long & en large. L’existence de ces Capoeiras, à ce qu’il est aisé de voir, doit donc être évitée à tout prix sur tout établissement, qui n’est pas sucrier & pour cette fin je ne connais que deux moyens : changer la cafèiére dépérissante ou en pâturage ou en cacaoière ; le premier moyen n’est efficacement applicable que dans les contrées du centre où l’élévation de bétail & de chevaux est très-productive, tandis que dans nos parages du litoral ils ne prospèrent aucunement ; nous sommes donc obligé de demander son ombre vénéneuse & ses fortes racines au cacaoier pour nous proteger contre l’invasion des fourmis, serpents, mauvaises herbes & le reste. – Le cacaoier nécessitant 5 – 6 ans pour compléter sa crue & son dévelopement il sera donc avantageux de le planter dans la caféière lorsqu’elle est dans toute la vigueur de sa végétation c. a. d. quand elle aura de 5 – 7 ans, parce que le cacao grandissant à l’ombre du café (condition essentielle pour sa bonne venue est un frais & épais ombrage) sans lui causer le moindre préjudice les premières années, se développe, s’elève & entre en rapport au fur & à mesure que le café suit la route opposée c. a. d. qu’il dépérit.

De cette manière quand le cacao a atteint sa cinquième année le café est tout à fait mort par suite de décrépitude & celui qui ne le serait pas pour ce motif périrait imédiadement après s’être trouvé sous l’ombre du cacao, ce qui n'est pas très-reconnaissant de celuici qui a été élevé à l'ombre du café. Ainsi sur les débris d’une plantation débile s’en élève une autre fraîche & vigoureuse, tandis que le planteur n’a d’autre travail que de semer les fèves de cacao entre les cafiers, les frais de sarclage & d’entretien de la plantation étant les mêmes, tandis que s’il attendait l’extinction complète de la végétation du café pour ensuite semer son cacao il serait obligé de sarcler & d’entretenir pendant 4 ans le terrain jadis caféière sans aucun profit & de planter des cotoniers, du manioc ou du Palmachristi autoye des jeunes cacaoiers pour les ombrager, ce qui ne laisse pas que d’absorber une bonne partie des sucs du terrain, qui étant plus ou moins découvert conserve toujours une certaine tendence à se couvrir de Capoeira.

Le cacaoier dure jusqu’à un siècle & peut être davantage & quoiqu’il rapporte le plus de sa 5 – 15ème année il ne discontinue jamais d’être plus ou moins chargé de fruits. Par cette combinaison je suis arrivé au point de conserver continuellement en culture le terrain, qui à été conquis sur la forêt vierge la cognée à la main, sans imiter l’usage brésilien de laisser en friche le terrain usé dont les maudites Capoeiras fout l’attribut infaillible de sa plantation. Ainsi en abattant tous les deux ans une portion de forêt d’environ 80 000 mètres carrés, qui est dabord plantée de café & 5 ans après en cacao, j’obtiendrai peu à peu l’état de cafiers & cacaoiers demontré dans le tableau si joint. Par ce tableau il est facile de voir que j’aurai toujours 4 Roças (le terme roça signifie une plantation de végétaux quelquonques, equivalant à la parole champ en Europe : champ de froment, champ d’avoine, champ de colza, champ de pommes de terre – roça de café, roça de canne, roça de tabac ect.) de café en produit du contenu de 12 à 20 000 pieds de café. A mesure que les anciennes meurent les nouvelles entrant en rapport, selon une disposition analogue à l’échiquier tactique. Cependant comme le nombre des cafiers que je dois soigner reste à peu près stable, tandis que celui des cacaoiers va en progression continuelle, & comme je ne puis augmenter mes forces d’aucune manière, il pourrait paraître que ce comte soit basé sur des principes fautifs ; c’est pourquoi il est indispensable, que je fournisse les renseignemens suivans : Une Roça de cacao de sa 14ème année n’exige plus aucun traîtement, les ramifications des arbres s’entrelacent de telle sorte, qu’elles ne laissent aucun espace pour la pénétration des rayons du soleil, de sorte qu’il n’y a plus de sarclage & autres soins nécessaires, la propriété du cacao de ne laisser croître aucun végétal dans son voisinage.

De sorte que si mon système était suivi par mes successeurs, les forêts vierges de Victoria pourraient être changées en bosquets de cacao, dans le cours de siècles ; d’autant plus que la préparation du cacao n’exige ni machines, ni main d’œuvre, ni temps, qui vaillent la peine d’être mis en consideration. – Ce ne sera donc que dans un temps encore fort éloigné que la culture du Cacao préjudiquera celle du Café sur la plantation Victoria, un temps de 4 lustres, au-delà daquel il n’est guère permis d’étendre ses calculs, dans un pays au berceau comme l’est le Brésil : dans un pays sujet aux commotions politiques & aux réformations sociales plus qu’aucun autre. D’abord l’émancipation des nègres, qui tôt ou tard doit avoir lieu, & qui plongera le Brésil dans la plus affreuse misère, car le brésilien ne travaillera jamais de ses propres mains, & quant à l’emigration d’ouvriers européens il ne faut plus y songer après les inombrables essais qui ont été faits & qui ont tous complétement échoué contre la malveillance, la stupidité & la jalousie des gens mêmes, qui devait faire tout leur possible pour la prosperité de ces colonies. Un autre danger qui ménace le Brésil se trouve dans l’esprit toujours mécontent, toujours révolutionaire & avide de changemens & de bouleversemens de ses habitans. Ils veulent abseulument reverser la monarchie & etablir à sa place une confédération republicaine, composée de 30 républiques, qui sont actuellement les 20 provinces de l’empire du Brésil, à l’instar des républiques de l’Amerique centrale & de celles du Rio da Plata, ou si ou aime mieux à l’instar de notre Suisse de glorieuse mémoire & de piteuse apparence actuelle. Les révolutions ici ne se font pas aisement, quoique le pouvoir exécutif soit tout à fait impuissant, mais le Brésilien est trop indolent & commode pour s’émouvoir facilement. Au reste le gouvernement républicain ne sera ni meilleur ni pire que le monarchique. Ses fonctions se bornent uniquement à percevoir des droits monstrueux sur l’importation, sans pour cela créer des manufactures des fabriques, de l’industrie dans le pays ; nos sucres vont brutes en Europe pour en revenir raffinés, de même les cuires & tout autre objet ; les mines d’or & de diamants sont exploitées par des compagnies anglaises ; l’argent, le fer, le cuivre restent enfouis sous terre ; l’Européen, qui moyenant ses connaissances, son activité & ses capitaux pourrait donner une impulsion salutaire à l’industrie & à l’agriculture est persécuté, vexé & entrâvé de toute manière. De petits magistrats pululent dans toutes les villes, avec des appointemens presque nul, avec moins moins de probité, de conscience & d’instruction encore, ne se trouvant sous aucun contrôle du gouvernement central, excercent système de pillage & de tryranie révoltans, à moins qu’ils n’aillent se frotter contre quelque riche brésilien, (ce dont en général ils se gardent lieu) qui règle promptement leur compte au moyen d’un coup de fusil ou de poignard. – Pas question de routes de communication, de ponts, de canaux, d’édifices ou de fonds publics, de police ect.

Tous les revenus (la douane de Bahia donne terme moyen 500 millions de francs par an, vont à Rio Janeiro & y restent, sauf les appointemens exigus que reçoivent les vampirs que le gouvernement de Rio lâche sur les provinces, sous titre de magistrats. Qu’un pareil état des choses fasse désirer un changement de gouvernement est naturel, cependant ce n’est pas ce qui, inspire nos révolutionaires. Tout comme chez nous ; chacun convoite un emploi lucratif & n’espère l’obtenir que par un bouleversement général, qui lui permettra de remplir ses poches sous prétexte de faire la félicité du pays. Et les rares personnes moins interessées & plus honêtes s’en prennent injustement au gouvernement tandis qu’ils ne derraient s'en prendre qu'à la corruption à la paresse & à l'ignorence de les compatriotes, ce qui les amènerait à la conviction que des institutions libérales sont aussi déplacées au Brésil que dans une étable de pourceaux, & que la constitution qu’il lui faudrait est celle des Kosaques, du Knout & de la Sibérie, pour enseigner à ses habitans à travailler d’abord, à s’instruire ensuite, & enfin seulement à s'occuper des interrêts de leur patrie & à commencer sa régénération. (…)




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