Samstag, 6. August 2016

07/06/1863 (Vater)


                                                                                                            Victoria le 7 Juin 1863

Mon très cher Père

Ta lettre du 9 Janvier m’a causé un bien grand plaisir à cause de toutes les bonnes nouvelles qu’elle contient. En premier lieu ce sont les bonnes notices de Ta santé & de celle de ma mère : grand bienfait de la Providence dont je La remercie du fond du cœur, car ainsi il est probable que nous nous revoyons encore en ce monde. Il est naturel que Tu ressentes quelque peu les effets de l’âge avancé, surtout après une vie tellement laborieuse, mais il y a bien des gens qui n’ont pas plus de soixante ans & qui envieraient la vigueur physique & morale dont Toi & ma mère jouissent encore.

Ma santé va parfaitement depuis un an que j’ai echappé à la mort ; toutefois je sens diminuer la force & l’énergie, ce qui du reste arrive à tous les Européens établis dans des pays de la zone torride, surtout dans le voisinage des forêts vierges.

Je puis ravi du bon accueil que tout le monde a bien voulu faire au petit sac de café envoyé l’an passé, quoique j’atribue une bonne part de son succès à l’amitié que les personnes respectives ont pour moi. Toutefois je puis dire sans fatuité que mes cafés sont depuis longtemps les meilleurs qu’exporte la place de Bahia & que même a Rio on n’en fait pas de meilleur. J’ai en occasion de m’en convaincre, à ma grande joie, lors de mon passage à Bordeaux en 1861, où les cafés à la marque F.S . sont très bien connus & Mr. Charles Silliman, un des premiers importeurs de café à Bordeaux m’a temoigné le plaisir qu’il avait de connaitre le producteur du fameuse café F.S., auquel il ne trouvait qu’une seul défaut, savoir d’être trop cher. En effet mes cafés 1re Qualité coutent à Bordeaux, sans palan, 1 fr. 10 cent, donc à peu de chose près au prix que Tu as évalué dans Ta lettre. Depuis l’instalation de la ligne de paquets transatlantiques de Bordeaux, c’est à cette place que vont tous les cafés 1re Qualité du Brésil & il n’y a que le rebut qui aille au Havre. L’exporteur trouve son compte à payer le fret élevé des paquets parce que le café arrive sur place avec tout l’éclat de sa couleur, tandis qu’à bord d’un voilier, qui met environ deux mois pour la traversée, la belle couleur verte (caractéristique au café du nouveau continent) se perd & se change en une teinte opaque, ce qui ne fait aucun mal à l’arome & au goût du café, mais ce qui considéré comme un défaut, par suite d’un préjugé ancien. Le café que je bois a une vraie couleur de boue, parce qu’il a toujours 6 – 8 ans, pendant lesquels il perd complétement sa nuance verte ; pourtant il y a peu de princes qui boivent de meilleur café que moi. – Conservez le café que je vous ai envoyé dans un lieu bien sec ; le café perd tout mérite lorsqu’il est exposé à l’humidité.

Puisque nous parlons de café je Te dirai que cette-ci je n’ai pour ainsi dire pas de récolte du tout, & cela par la très simple raison que je n’ai plus de plantations de café, ne pouvant donner ce nom aux vastes champs sur lesquels ou n’aperçoit que de longues lignes de troncs secs, parsemés par ci par là de quelque cafier verdoyant. Quel aspet désolant, même pour celui qui n’y a point d’interêt. Le travail de 5 ans, pendant lesquels j’ai négligé tout les autres travaux, & une dixaine de Contos de reis : tout est perdu ; c’est cependant dur. Me voici dans les conditions voulues pour faire banqueroute ; car même en fesant de nouvelles plantations de café il faut attendre 4 – 5 ans pour en avoir du bénéfice & jusque là je serai dévoré /par mes dettes/. – Enfin patience ! [A. S. – Er war sehr sanguinisch. Die Banqueroute kam nicht !] Il me reste encore un puissant ancre de salut : « Le Coton » : Si j’y avais pensé il y a 6 ans, lorsque j’ai acheté la Victoria, & si, au lieu de me ruiner avec du café, j’avais employé le même travail & le même capital à la culture du coton – je serais riche à l’epoque présente. Le coton ne souffre point de la sécheresse, au contraire il craint la pluie, excepté pendant les premières semaines après le semis ; or depuis 1858 nous navons en que des sécheresses. Mais le plus important avantage du coton est la célérité avec laquelle il entre rapport. Ainsi tandis qu’il faut 3 – 4 ans au moins au café & le double de ce temps au cacao ; le coton entre en rapport après 6 ou 12 mois, selon que c’est lespèce herbacée ou arborée. J’ai fait venir de Rio de la graine du premier que je planterai le mois prochain &, pour peu que quelque nouvelle calamité ne se mette pas de nouveau de la partie, jusqu’à la fin de l’an je ferai ma récolte & en Mars, époque à laquelle j’ai effectuer mes payemens, mon coton sera vendu & tout pourra s’aranger pour le mieux. En tout cas j’ai l’avantage que,  si une plantation de coton vient à manquer, dans 6 mois je puis la remplacer par une autre, au lieu des longues années qu’il faut pour cela avec le cacao & le café. Toutefois je ne veux point encore abandonner ces deux cultures quelque ingrates qu’elles aient été pour moi. – Donc il ne faut encore désespérer de rien ; j’ai encore le tabac, la soie, la cochenille & l’indigo [A. S. – richtig !] comme dernières resources, & il faudra bien que d’une manière ou d’une autre cela aille.

J’ai appris avec plaisir & reconnaissance que Tu as fait de beaux cadeaux de nouvel-an à mes enfans, ce dont je Te remercie bien sincèrement, ainsi que de la ponctualité avec laquelle Tu veux bien toujours payer la pension de mes enfans. Il m’a été bien pénible de ne pas avoir que envoyer mon quatrième, le petit Albert, rejoindre ses ainés à Colombier ce printemps, mais Mr. Barrelet m’a dit se trouver pour le moment dans l’impossibilité de le recevoir. Grace à Dieu les quatre petits ici se portent parfaitement, ainsi que leur mère & les trois qui sont en Europe ne me donnent que de la satisfaction sous tous les rapports. C’est là un bienfait que je dois à mon excellent ami Barrelet, que je ne pourrai jamais assez remercier & estimer.

Nous avons dans nos eaux continuellement des corsaires americains des deux partis, qui se chassent & se battent ; heureusement que les idées d’émancipation ne trouvent aucun écho parmi les esclaves du Brésil, qui sont trop bien trâités pour désirer un changement de position, à moins qu’on ne parvienne à leur inculquer des principes de philosophie & à réveiller leurs passions.

Il y a quelques mois que j’ai reçu une lettre de la Tante Elise, elle serait bien aimable de me faire savoir son adresse à Berne, afin de pouvoir lui répondre.

Et maintenant Adieu ! J’embrasse bien affectueusement ma mère & Elise, ainsi que mes autres frère & sœur ; mille choses amicales au beau-frère Charles, Tantes, Oncles & autres parents. Ma femme se recommande à Votre souvenir. Que Dieu Vous donne à tous la santé & une longue vie.

                                                                               Ton fils affectioné Ferdinand




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