Victoria le 9 Juillet
1866
(A. S. – Paraguay Krieg, Sklavefrage Als nächste Pflanzung an den noch
jungfraulichen Urwälden, litt Victoria viel, von allerlei anderswo nicht
vorkommenden Insekten)
Mon cher Père
Voici bien longtemps
que je ne T’aie écrit &, quoique n’aie rien de particulier à conter je T’écris
pour avoir de Tes nouvelles, savoir comment Tu Te portes, & ce que fout
Maman & Elise.
Depuis ma dernière
lettre du 25 Avril de l’an passé, qui entre autres choses contenait la nouvelle
que tout mes cotoniers avaient été détonéts par les chenilles, cette vermine a
répété son invasion cette année – ci juste à la même époque. Mais après l’expérience
de l’an passé je ne m’en afflige pas trop. Car, la même nature puissante qui
permet à la vermine à prendre un développement si effrayant, donne aussi à la
végétation la force compensatrice, de sorte que, quel que fabuleux que cela
paisse paraître, quatre mois après avoir été réduit à des tronçons polés, mes
cotoniers étaient de nouveau aussi grands, aussi vigoureux & aussi chargés
de gousses qu’avant le désastre. Et, comme pendant a temps le coton avait subi
me hausse d’environ 10 S 000 par quintal, j’étais en train d’adresser aux
chenilles voraces un vote de reconnaissance. Mais September & October
arrivèrent avec des pluies diluviennes, & fut pourri & perdu. Jusqu’àprèsent
nous avons en cette anée – ci répétition de la même histoire; espérons que la
fin sera meilleure. Heureusement que l’insecte qui dévorait le café a complètement
disparu, de sorte qui mon café & mon cacao me donnant de quoi pager les intérêts
qui je dois & même quelqu’amortisation de capital. Deux bonnes années de
coton / (…) étaient complètement à flot / : pourquoi ne viendraient-elles pas; je ne demande que l’ordinaire & rien du tout d’extraordinaire,
c. a. d. un Eté pendant lequel il ne fasse pas un temps d’Hiver des plus
rigoureux & la disapparition d’insectes dont la présence est abnorme, &
qui n’ont jamais été vus avant qu’on se soit livré au Brésil à la culture du
coton sur une grande échelle.
Tu sais, sans doute
que les deux questions capitales qui agitent actuellement le Brésil sont la
guerre avec le Paraguay & la liberté des esclaves. La première est une
vraie carricature de guerre, qui en attendant coûte des sommes énormes &
qui, si elle continue, amènera la ruine du pays. Si la chose n’était pas si
triste en elle-même ses différents details feraient vive aux éclats. Il y par exemple un général Guanabára qui, pendant
5 mois reçois le solde & la ration d’un corps de 8000 hommes sensés être
sur les champs de bataille du La Plata. Mais voilà qu’un beau jour il se trouve que ces 8000
hommes n’existent abseulument que sur le papier & que le brave général n’a
jamais quitté sa plantation de café au Rio grande. Dans un pays aussi vaste que
le Brésil, mais sans télégraphes, sas chemins de fer, sans routes & le plus
souvent même sans un sentier praticable pour aller d’un village à un autre,
cela peut s’expliquer. Ou a vu des troupes mettre 286 jours d’étappes depuis
leur départ jusqu’à leur arrivée sur le theatre de la guerre. Une autre farce,
qui est le tragi-comique à son suprême degré. – Les Brésiliens ayant trouvé
moyen de se procurer une batterie de canons rayés, probablement quelque vieux
rebat d’un arsenal quelconque européen, les pointèrent crânement contre leurs
ennemis & toutes les instabilités militaires on dit même d’Empereur se trouvèrent
présentes pour assister à l’effet fondroyant que ces engins de guerre, quelque
peu avariés & pensionés sans doute, allaient produire. Mais – lorsqu’il s’agît
de les charger il se trouva que les boulet envoyés étaient beaucoup trop grands
& n’entraient pas. – Adieu la fête & l’argent ! Je pis, &
pourtant je sais que ce sera nous autres planteurs qui payeront les pots
cassés, par conséquent les canons sans boulets & les corps d’armée sans soldats
& sans général.
La question de l’émancipation
des esclaves émeut les têtes sérieuses &
réflechies, mais en général est de peu d’interrêt même pour les plus
interressés, les esclaves, qui n’y voient pas une augmentation imédiate de leur
bienêtre matériel, excepté dans les grandes citées qui, comme toujours &
partout, sont les centres des grands mouvemens politics & sociaux. Nos
légistes ruminent la question comme de paisibles chameaux, vu qu’ils ne
possèdent pas d’esclaves & que leur horizon politique ne s’etend guère plus
loin que le village qui les a vu naître. C’est tout comme en Europe: Les uns
disent que l’esclavage est une instituition consacrée par l’existence de
siècles, par l’ascendent moral du blanc ect, & qu’y toucher serait pécher
envers Dieu & les hommes. Ce sont les vieux. Les jeunes parcontre
voudraient abolir d’un trait de plume ce "cancer qui rouge la gloire du
peuple le plus civilise, le plus libéral du globe". Tu vois qu’ils ne se
gênent pas. Tout homme raisonable sait que les Vieux ont tort – parce qu’il faut
que l’esclavage cesse, & cesse bientôt, &, que si le gouvernement
brésilien ne prend pas des mesures éficasses tendant vers cette fin, le canon
des Etats Unis élèvera sa voix d’une irrésistible argumentation. L’Angleterre
tâchera d’éviter ce conflit, vu qu’elle se trouverait dans d’aussi mauvais
draps que le Brésil. Car, tout en prônant ostensiblement la négrophilie, elle
est bien aise d’avoir ici un marché où elle vend environ 15 millions de Livres
sterling par an; & puis le Brésil lui doit quelque chose comme 45 millions
de Livres – Est fini l’esclavage, Adieu tous ces millions. Le Brésil sera ruiné,
& un homme ruiné est dispensé de payer ses dettes & d’acheter la
marchandise qu’il ne peut payer. Les jeunes légistes ont aussi tort: parce qu’en
abolissant l’esclavage d’un moment à l’autre ils ruinent instantanément l’agriculture,
seule resource du pays. Ce beau Brésil deviendra un désert, rayé de la liste
des pays en relation avec les pays civilisés. Plus d’exportation, par
conséquent plus d’importation. Le trésor public trop pauvre pour donner la
moindre indemnisation aux planteurs ruinés. Le pays trop grand & trop riche
en resources pour qu’n puisse forcer les nègres libérés à s’assujetir au
travaux de l’agriculture; ils vivront comme des rentiers de chasse & de
pêche, plantant dans les vastes terres nationales les légumes pour leur
subsistence, & y tirant parci parlà quelque pièce de bois précieux pour
subvenir aux dépenses minimes de leur ménage. Leurs besoins sont nul dans un climat
qui ne nécessite ni habitation solide ni vêtemeus chands pour se garantie du
froid de l’Hiver. C’est le froid de l’Hiver qui est un des grands moteurs de
notre civilisation européenne tant décriée.
J’ai élaboré un petit
projet sur l’emancipation des esclaves, qui a même été lu à la chambre des députés,
mais, comme l’œuf de Colomb, il était trop simple, d’un effet trop peu theatral
pour captiver les masses dans un pays où tout tire au clinquant, à l’effet
dramatique. L’introduction d’esclaves africains étant abolie de fait
depuis 1851, l’esclavage ne se perpétue qu’an moyen des enfans qui naissent de
femmes esclaves; or en fesant une loi qui donne la liberté à tout enfant qui naît,
quel qu’il soit, loi qui ne serait pas nouvelle du tout puisqu’elle est
formellement énoncée dans l’article V de la Constitution, il en résulterait que
dans un temps pas trop éloigné il ne resterait que peu & que de vieux
esclaves, lesquels, les propriétaires & le gouvernement y mettant chacun de
leur côté de la bonne volonté, pourraient être facilement libérés, à moins qu’on
ne préférât de laisser s’eteindre cette fatale institution par la mort du
dernier esclaves. Les planteurs ne commenceraient à sentir l’effet de cette lois
qu’au bout d’une quinzaine d’années, époque à laquelle les jeunes esclaves
entrent en âge de donner des bénéfices par leur travail, & auraient donc
tout ce laps de temps pour prendre les mesures compétentes. Les enfans des
nègresses esclaves, que les planteurs, à moins d’être des philantropes enragés,
se sentiraient naturellement peu de voccation à nourrir, vêtir & élever
gratuitement jusqu’à l’âge où ils leur tourneraient le dos, sans dire "merci"-
devraient être élevés dans de établissemens spéciaux, aux frais du
gouvernement. Arrivés à l’âge où un individu peut se rendre utile, le
gouvernement devra leur faire enseigner les métiers utiles & les employer
dans ses arsenaux maritimes, les domaines de la couronne édifices publics ect
ect; les filles dans les fabriques modèles qu’il entretient à grands frais.
Ainsi, à l’age de 24 ans environ chacun de ces jeunes nègres aurait restitué au
gouvernement les frais de son entretien pendant son enfance, &, le
gouvernement élevait des gens laborieux,
intelligents & habitués au travail assidu, au lieu de laisser grandir un
tât de fainéants & de mauvais sujets. Le planteur se resentait à peine de
ce changement lent & régulier; le trésor public ne serait obligé de faire
aucun sacrifice; & le moral de la question serait sauf, car, le planteur ne
serait pas violement dépouillé d’une propriété que les lois du pays lui
garantissent, & le gouvernement tiendrait sa parole solemnellement donée
aux puissances ségnatrices de l’acte de navigation "d’user de tous les
moyens & de faire tout son possible pour abolir dans le plus court délai l’institution
de l’esclavage dans les états de Sa Majeste Dom Pedro" – Voilà mon plan.
On n’eu a pas encore présenté de meilleur.
Je quitte la politique
pour venir à mes modestes intérêts personels. En premier lieu je Te remercie de
tout mon cœur de bien vouloir toujours payer la pension de mes enfans à
Colombier; (…)
Après plusieurs années
d’un bienêtre phisique parfait j’ai de nouveau eu le mois passé un attaque de
fièvre billeusse qui apauvrit le sang; autrefois je me portais bien par 17 – 18
degrés R; maintenant quand il n’en fait pas 20 au moins je grelotte de froid,
ainsi que dans le présent moment
Heureusement que ma
femme a une santé à toute épreuve, ainsi que mes enfans qui tous sont de solide
construction.
J’ai appris avec un
vit sentiment de gratitude que Toi, Maman & Elise ont fait des cadeaux de
nouvel-an à mes enfans; ils m’en écrivent longuement dans leurs lettres.
Aussitôt que j’aurai
une bonne année j’irai visiter ces chers enfans & embrasser de nouveau mes
Parents bien aimés.
Il y 18 mois j’ai
écrit à Tante Elise, j’ignore si elle a reçu ma lettre. Il en est de même avec
Gustave Herrenschwand qui depuis deux ans ne m’a plus donné signe de vie,
quoique je lui eusse écrit deux fois.
Je sais que vous avez
un Mr. de Werdt qui, par son sot mariage, a abîmé la belle carière qui s’offrait
devant lui, & est actuellement modeste commis à Marseille. Il m’ecrit avoir
fait de grandes pertes dans la faillite du banquier Schmied, ce qui me paraît
quelque peur problématique.
Inclus j’envoie mon
portrait photographie qui, peut être vous fera plaisir.
Présente mes meilleurs
amitiés aux parents de Berne, Oncle Benoît, Tante & cousins Herrenschwand,
Melle. Morlot enfin tous ceux qui demanderont après moi, dont le nombre ne sera
pas très-grand. J’embrasse Maman, Elise, Therese & ses nombreux poupons,
ainsi que leur papa. Adieu, mon Père, pour aujourdhui
Ton fils obeissant &
aimant