Donnerstag, 11. August 2016

02/04/1860 (Vater)

Victoria le 2 Avril 1860.

(A.    S. - Erzherzog Max Besuch)

Mon bienaimé Père

Ma dernière lettre datée de Bahia 12 Avril 1859, dans laquelle j’anonçais la possibilité de la vente de ma Plantation, étant restée sans réponse jusqu’aujourd’hui, je la confirme par la présente. – La vente n’a pas pu s’effectuer, faute de numéraire sur la place de Bahia qui, depuis le grand choc de 1858 se trouve dans un état misérable, malgré toutes les mesures désespérées du gouvernement tendant, à ramener un peu de crédit & de confiance. – Je me ressens aussi d’une manière bien sensible de cet état des choses, (…) à la Banque du Brésil.

Enfin, j’ai repris ma besogne, je travaille de mon mieux, & cela va tant bien que mal. Cela commençait même à aller très-bien, vu que mes cafiers étaient chargés à n’en plus pouvoir, me fesant espérer une récolte de 4 à 5000 Arobas (un Aroba se vend de 5 à 7 Milreis ou environ 17 francs) à telle enseigne que je refusai une proposition de 120 Contos d’un acheteur venu exprès de Pernambuco, où il avait lu l’anonce que j’avais fait mettre dans les journaux les plus répandus de tout le Brésil. Lorsque voilà une sécheresse, comme ou n’en pas vû depuis mémoire d’homme, qui vient anéantir mes espérances : Toute végétation est paralysées, les arbres & les fruits grillés sur pied, la terre crevassée comme par des éruptions vulcaniques, & les rivières qui portaient des embarcations calant 6 – 8 pieds, sont devenues des gorges arides, dont le fond pierreux réflète les rayons ardents du soleil. Il faut voir cette désolation pour la comprendre : & si la pluie n’arrive bientôt ce sera une calamité dont la portée est incalculable. – Et encore ne sais-je pas en droit de ma plaindre quand je lis les rapports journaliers qui arrivent des provinces septentrionales & centrales. Ici au moins j’ai à manger & à boire surtout, avec mes esclaves & mon bétail, tandis que là, quelqu’incroyable que cela paraisse, il meurt des gens en masse, faute d’eau ; sans parler du bétail qui, poussé par l’instinct de la conservation, va crever dans les flaques d’eau dans lesquelles les gens altérés vont puiser ensuite une eau putride qui, au lieu d’etancher leur soif leur communique quelque maladie typhoide. Enfin je tâche de me résigner & de dévorer mon désespoir, en me gorgeant de consolations plus ou moins phylosofiques.

J’ai été arraché de ces préoccupations douloureuses par une visite aussi inattendue qu’agréable, quoique quelque peu dispendieuse : Son Altesse Impériale l’Archiduc Maximilien d’Autriche, autrefois Viceroi de la Lombardie, est venu passer une quinzaine de jours chez moi. Nous avons couru ensemble les forêts vierges, les grandes cascades, avons poussé jusqu’au camp des sauvages, avons chassé, pêché, botanisé ect ; le tout en manches de chemises, crotté, les vêtemens souvent en lambeaux, comme de véritables collégiens fesant l’école buissonnière. Il y avait des jours de bombance pendant lesquels je régalais mon prince avec du Champagne, des huitres & des pâtés conduits à grand frais jusque dans des parages inconnus jusqu’à ce jour ; d’autres jouis nos repas se composaient d’entousiasme & d’admiration assaisonés de beaucoup de gaîté ; & nous nous endormions, du someil du juste, au bas de quelque grand arbre. – Pauvre jeune homme : si aimable, si peu difficile, si noble, non seulement de naissance mais de sentimens & de principes qui voit sa carrière obstruée par les résultats d’une guerre malheureuse, &, à ce qu’on dit, est même en disgrâce auprès de son frère l’Empereur. – Que de fois ne ma-t-il dit, quand nous soupions d’un morceau de lune accompagné d’une douzaine d’étoiles, que, s’il nétait archiduc il voudrait être planteur brésilien. J’avais beau lui montrer le revers de médaille en énumérant toutes les misères & les angoisses par lesquelles nous autres planteurs passent ; il n’en croyait rien parce qu’il se trouvait sur un point de vue duquel l’horizont lui apparaît tout entre qu’à moi, de sorte que nous ne tombions jamais d’accord sous ce point de vue. Le jour de son départ Son Altesse m’offrit un splendide dîner d’adieu à bord de la frégate de son pavillon, mouillée en rade d’Ilhéos.

Ce fut là que j’entendis depuis plus de vingt ans, pour la première fois, l’hymne autrichien éxécuté par une de ces musiques militaires bohêmes de 50 hommes, qui n’ont pas de rivale dans l’univers entier. J’étais profondément ému. Après l’hymne autrichien vint l’hymne national du Brésil, en l’honneur de mon beau-père, qui avait été nommé par son gouvernement pour accompagner & assister le prince en toute matière qui touche l’hospitalité du pays. – Au moment de nous dire adieu Son altesse m’a donné, en souvenir des jours heureux passés ensemble, une bague en diamants avec son chiffre (de la valeur de 4 – 5.000 francs) J’avais en la chance de pouvoir lui offrir un grand nombre de curiosités de toute espèce ; animaux, plantes, produits industriels des sauvages ect. ect.

L’Archiduc s’est enquis de Ton adresse, disant qu’il voulait Te faire visite & porter de mes nouvelles à son premier voyage en Bohême. Il est fort possible qu’il oublie cette promesse & passe en Bohême sans aller Te voir : toutefois j’ai voulu Te communiquer son dessin.

Un autre événement dont j’ai à Te rendre part, c’est la naissance de mon sixième enfant, de sexe féminin, né le 23 Juin & baptisée comme celle qui est morte (dont je T’ai fait part dans ma lettre plus haut mentionée) du nom de Libuza, à la grande satisfaction & stupéfation de l’Archiduc Maximilien, qui ne s’attendait pas à rencontrer un nom aussi essentiellement autrichien au milieu des forêts vierges du Brésil. – Ma sœur Elise a bien voulu servir de marraine (par procuration) au dit marmot.  Aussitôt que la chose sera fesable je T’en expédierai l’extrait baptistaire, le baptême n’ayant en lieu que le 7 Février, & ici la marche de toute formalité est d’une lenteur désesperante.

En Novembre j’ai failli souffrir un accident capable de me rendre aveugle. Etant dans mon laboratoire occupé à préparer certaine préparation pharmaceutique, un violant coup de vent ferma la fenêtre avec un fracas dont le contre coup renversa & brisa la fiole dans laquelle je travaillais, de sorte qu’une partie du liquide corosif qui s’y trouvait m’éclata en plein visage & dans les yeux. Heureusement que les antidotes étaient sous ma main, de sorte que j’en fus quitte pour huit jours de cécité & un mois de soins. Toutefois j’ai en une peur panique, assez naturelle dans un pays où chacun en est séduit à son propre savoir faire. – J’ai aussi en le malheur de perdre cinq esclaves dans le cours de l’an passé, entre autres ma meilleure négresse, de sorte que, (…), mon personnel esclave se réduit au chiffre de 103, qui est juste celui que j’ai acheté de Mr. May, il y a trois ans. (…)

(…) trois enfans aînés en Europe, où Mr. P. Barrelet (neveu de Mr. Diacon) s’est offert gratuitement (à Colombier près Neuchâtel) de les recevoir & d’en soigner l’éducation. Maintenant la partie est remise à des temps plus éloignés, & en attendant ce sont ces trois enfans qui en souffrent la déception la plus sensible, ne voulant pas parler de la tristesse que moi j’éprouve en voyant reculer (..) le jour heureux où je pourrai voir & embrasser mon Père & ma Mère chéries ; car en devenant bon père je n’ai pas cessé d’être bon fils ; bien au contraire (…)

Quant à ma santé tout va au mieux ; je suis ferré à glace quant (…) de ce terme sous notre (…)

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